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Les archives du cadastre sont incontournables pour reconstituer l’histoire d’une propriété. L’utilisation de ce type de documents peut paraître déroutant car il faut manipuler plusieurs registres en même temps et passer de plan figurés à des registres écrits. L’exploitation de ces documents permettent de connaître les propriétaires d’un bien, mais aussi de repérer les maisons et toponymes d’une commune.

Le cadastre napoléonien dans l’histoire

« Le cadastre, considéré comme l’état civil des sols et des locaux, constitue un instrument d’intérêt général, collectant des informations à caractère fiscal, économique, statistique ou technique » explique Stéphane Lavigne.
Pour comprendre l’utilité du cadastre napoléonien dans ses recherches généalogiques et exploiter de manière optimale toutes les informations contenues dans ce type de documents, il faut connaître l’histoire de sa création et les objectifs qui l’ont déterminée.

Le cadastre national naît grâce à Napoléon

Dans sa volonté de moderniser l’administration française afin de la rendre plus efficace, Napoléon Ier s’attache à faire établir le plan cadastral. Il s’agissait d’établir un plan unique, centralisé et homogène de l’ensemble des parcelles de terrain en France.

C’est donc pendant le Premier Empire (1804-1815) que la loi du 15 septembre 1807 (décret du 27 janvier 1808) établit le cadastre dit napoléonien sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Il succède aux Terriers et compoix de l’Ancien régime permettant de dévoiler un plan précis des possessions individuelles et de chaque commune. L’objectif premier étant fiscal, il s’agissait d’établir un impôt foncier fiable par répartition, donc une imposition d’après la valeur locative de chaque parcelle (le revenu que l’on pouvait espérer en percevoir).

Cadastre napoléonien : instructions pour l'arpentage des communes, Pau, 1806
Instructions du préfet relatives à l’arpentage des communes pour l’établissement du cadastre – 8 mars 1806
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, cote 2 Z 157

Par parcelle on comprend qu’il s’agit d’une surface de terrain, laquelle est plantée d’une même nature de culture, de même affectation et appartenant à un propriétaire. On distingue les parcelles supportant des propriétés bâties (maisons, granges, hangars, immeubles …) et non-bâties (champs, vignes, prés, pâturages …).
Ces parcelles sont arpentées c’est à dire mesurées en mètres, (nouveau système de mesure) et classées selon la fertilité du sol pour les surfaces non-bâties puis cartographiées. A l’issue de ces mesures était déterminé le montant imposable de chaque parcelle.

A la suite de l’établissement de ce plan parcellaire, une liste de l’ensemble des parcelles appartenant à un propriétaire était dressée pour déterminer par l’addition des revenus de toutes ces parcelles, un revenu total imposable.

Des changements modifient ses dispositions

Si le cadastre napoléonien a deux objectifs, l’un fiscal (évaluer tous les biens fonciers afin d’établir l’impôt foncier donc un impôt direct), nous l’avons vu, l’autre foncier et administratif (en identifiant les propriétés foncières, il peut aider à prouver la possession, en complément d’autres documents) il subit plusieurs changements :
En 1898 une nouvelle loi réforme en profondeur ce premier cadastre, trop rigide, ce qui engendrait des difficultés dans le calcul des mesures et de leur revenu.
En parallèle, l’administration du cadastre a subi des changements. Les trois régies de départ, la régie des Contributions directes (le cadastre y était rattaché), la régie des Contributions indirectes et la régie de l’Enregistrement, du Domaine et du Timbre sont fusionnées. Le cadastre dépend désormais de la Direction générale des Impôts du Ministère des Finances.

La loi du 16 avril 1930, institue une rénovation du plan cadastral. De nombreux changements sont intervenus dans la configuration et la répartition des parcelles. Le développement industriel, l’agrandissement de l’emprise urbaine, l’extension des faubourgs, la modernisation des voies de communication ont considérablement remodelé le paysage et le cadastre napoléonien ne reflète plus ces nouvelles réalités.
On constate vite qu’une simple « mise à jour » du cadastre ancien ne suffit pas et on procède à une réfection complète du plan dès 1941.
De nouveaux arpentages parcellaires sont réalisés, simultanément à une révision (mise à jour) quand cela est possible, permettant d’établir de nouveaux états de sections et matrices. La numérotation des sections changent (elles sont désormais indiquées sous forme de lettres doubles (AA, AB …) et les références anciennes du cadastre napoléonien disparaissent.

En 1955, le remembrement et la disparition des bosquets, haies, fossés pour agrandir la surface des terres agricoles parachève la rénovation totale du cadastre.

Une correspondance entre l’ancien cadastre napoléonien et le nouveau n’existant pas forcément, on repérera les nouvelles parcelles par rapport aux anciennes, en se référant à des plans et aux cartes existantes. Vérifiez également auprès des archives départementales, si ce travail n’a pas été réalisé (sachez qu’il n’existe pas aux AD 64).

Le détail des impôts concernés par le cadastre napoléonien

La régie des Contributions directes avait en charge de recouvrir l’impôt foncier. Les contributions directes sont mises en place dès 1791, à la suppression des impôts indirects, système jugé inégalitaire, en place pendant l’Ancien Régime.

  • La contribution foncière
    • Elle concerne toutes les terres non bâties et les terrains bâtis, sur lesquels le propriétaire sera imposé selon leur valeur locative.
  • La contribution personnelle mobilière
    • Cet impôt est établi d’après la valeur locative du logement. Il s’agit d’une taxe de la rente.
  • La contribution des patentes
    • Elle concerne les commerçants, industriels et taxe les bénéfices commerciaux.
  • La contribution sur les portes et fenêtres
    • Instituée par la loi du 4 frimaire an VII (24 novembre 1798), elle est calculée par rapport au nombre de fenêtres et de portes visibles de l’extérieur, et à leur taille pour tous les bâtiments et usines mais ne sont concernés que ceux servant à accueillir des hommes donc à fortiori à l’habitation (pas les bâtiments à vocation agricole comme les granges, bergeries, étables, ni les caves ou les toits …). Plus il y a de fenêtres et de portes, plus on est riche ! La taxe est fonction de la taille de la commune. Son effet pervers fut que les propriétaires plaçaient moins d’ouvertures ou réduisirent leur taille (voire les condamnèrent) ce qui généra un nombre important de logements insalubres. Sa suppression prit effet en 1926.

Ces quatre contributions directes instaurées à la Révolution française sont surnommées les « quatre vieilles« . Peu à peu délaissées à la fin du XIXème siècle (jugées injustes car non réévaluées régulièrement et désuètes par rapport à l’essor de l’activité économique), le système va perdurer jusqu’en 1917 où elles seront remplacées par une imposition proportionnelle sur tous les revenus.

Une typologie documentaire spécifique pour le cadastre

Le cadastre napoléonien s’articule autour de deux grands types de documents : une documentation figurée (les plans) et une documentation littérale (écrite). L’un ne peut fonctionner sans l’autre, seule la consultation des deux est utile à l’établissement de l’origine d’une propriété.

cadastre napoléonien, tableau d'assemblage, Bayonne, AD64
Extrait du tableau d’assemblage de la ville de Bayonne
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques

La documentation figurée

Le plan parcellaire

Le plan parcellaire sert à identifier avec précision les limites de propriété d’un terrain. Il doit pouvoir fournir le numéro de la parcelle, son périmètre, sa surface, sa géométrie.
Les parcelles sont identifiées par un numéro unique qui leur ont été attribué par section dans un ordre continu. Ce numéro parcellaire s’accompagne de l’identifiant de la section (composé d’une lettre pour le cadastre napoléonien et de 2 pour le cadastre moderne).

Le tableau d’assemblage

Ce document indique le découpage de la commune en sections cadastrales. Y figurent aussi : les principales voies de communication, les cours d’eaux, les hameaux et fermes isolées ainsi que le nom des communes limitrophes.
Il est en général composé d’une seule grande feuille, à l’exception des très grandes communes qui seront découpées en plusieurs feuilles. Un carte d’ensemble est alors constituée.

La documentation littérale

L’état des sections

Ce tableau indicatif est décrété dès le 23 frimaire novembre 1798 (décret du 3 frimaire an VII). Il devait pour chaque section établir la liste de toutes les parcelles des sections d’une commune en commençant par la parcelle numéro 1. Il donne, pour chaque parcelle, le nom de son propriétaire et des informations sur sa nature, sa contenance et son revenu. Ce registre est particulièrement utile pour établir la généalogie d’une maison et en connaître les propriétaires successifs.

cadastre etat des sections
Extrait de l’état des sections de Masparraute
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, cote 3 P 4

Les matrices cadastrales

Les matrices cadastrales datent de 1821. Jusqu’en 1881, un seul registre réunit les propriétés bâties et non bâties. Après cette date les informations relatives à ces deux types de parcelles seront scindées en deux registres distincts. Le registre des propriétés non bâties est appelé matrice supplémentaire. Tous les propriétaires possèdent un folio, individus comme personnes morales (commune, administration, hôpital ….).

cadastre matrice
Extrait des matrices cadastrales de Masparraute
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, cote 3 P 2

Les tables alphabétiques

Elles sont en général incluses dans les matrices cadastrales et donnent la liste des propriétaires classés par ordre alphabétique. En regard de leur nom est donné leur numéro de case ou folio. Dans les grandes villes, les tables alphabétiques peuvent faire l’objet d’un registre spécifique.

Où trouver le cadastre et les anciens plans cadastraux ?

Les originaux des plans et matrices, les minutes (originaux) sont conservés au service du cadastre, plus anciennement à la direction des contributions. Chaque département a son service du cadastre, aux Impôts, dépendant du ministère des Finances. Ce sont ces minutes qui plus tard seront conservées aux Archives départementales.
Une copie en est faite qui sera versée aux communes. Donc à la mairie vous pouvez consulter le double.
Toutefois, les communes de – de 2000 habitants sont tenus de verser leurs documents administratifs aux archives départementales (ce n’est pas toujours le cas dans les Pyrénées-Atlantiques).
Il y a donc trois endroits où vous pouvez consulter le cadastre :

  • au centre des impôts fonciers (CDIF) ;
  • à la mairie ;
  • aux archives départementales.

Sur internet, les services d’archives ont numérisé les plans parcellaires et certaines les états des sections et les matrices cadastrales.

Au plan national, vous pouvez consulter des extraits du plan cadastral sur internet sur le site du Ministère chargé des finances : cadastre.gouv.fr

Le site Geoportail mis en œuvre par l’IGN, vous permet de superposer un plan parcellaire du cadastre aux cartes IGN ou satellites, permettant de situer un lieu très précis en de connaître le numéro de parcelle. Retrouvez l’emplacement exact d’un bien avec les cartes, plans et photos satellites.

Cadastre napoléonien du 64

Les documents figurés sont numérisés pour l’ensemble des communes du département des Pyrénées-Atlantiques. Vous trouverez les tableaux d’assemblage et les plans parcellaires, dressés de 1810 à 1846 sur earchives.le64.fr dans la rubrique « Cadastre ».

Les documents écrits ne sont pas numérisés. Deux moyens s’offrent à vous pour consulter les matrices et états des sections :

  • à Pau, aux archives départementales où vous les trouverez classés en sous-série 3 P et en série W pour la période postérieure à 1932.
  • A Pau, aux archives départementales et à Bayonne au Pôle archives dans les fonds des archives communales. Attention toutes les communes n’ont pas déposé (il faudra alors vous rendre en mairie). Les communes basques sont à Bayonne, les béarnaises à Pau. Ces documents seront classés en E dépôt, en série G.
cadastre napoleonien cartouche pau
Cadastre de Pau, cartouche du tableau d’assemblage
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques

Le cadastre de Pau

Les plans parcellaires et les tableaux d’assemblage du cadastre de Pau sont en ligne sur le site des archives départementales earchives.le64.fr, dans la rubrique « Cadastre ».

En série P (Finances, cadastre et postes), vous pourrez consulter sur place en salle de lecture aux archives départementales, les états de section et les matrices cadastrales.

Les archives communales de Pau (Usine des tramways) conservent également des plans du cadastre de Pau, des relevés de propriétés, des états de section et des matrices pour des communes avoisinantes (Gan, Gelos, Jurançon …).

Le cadastre de Bayonne

Les tableaux d’assemblage et les plans du cadastre de Bayonne sont consultables en ligne sur earchives

Ces documents figurés sont également conservés au Pôle archives de Bayonne dans les fonds des communes (E dépôt Bayonne, 1G 24 à 45). Dans ces fonds vous pourrez consulter en salle de lecture :

  • Les états de section des propriétés bâties et non bâties de 1833 (E dépôt Bayonne, 1G 50 à 51)
  • Les matrices des propriétés foncières de 1833 (E dépôt Bayonne, 1G 46 à 49).

Le cadastre de Bayonne sera également consultable à Pau, en salle de lecture aux archives départementales dans les fonds de la série P.

Comment lire un cadastre en 5 étapes ?

Vous cherchez à connaître les propriétaires d’un bien en remontant dans le temps ? La recherche dans le cadastre est particulière car il vous faudra manipuler plusieurs registres.

Etape 1 : retrouver le numéro de la parcelle
Ce numéro se trouve sur les plans, classés par commune. Aidez-vous du site Géoportail pour vous repérer sur des cartes actuelles. Repérez la section grâce au tableau d’assemblage.

Etape 2 : retrouver le nom du propriétaire de la parcelle
Avec les lettres de la section et le numéro de parcelle, vous pourrez chercher dans l’état des sections, le nom du propriétaire. Les numéros sont classés en ordre croissant à partir de 1. Vous relèverez ainsi le nom du propriétaire et saurez à qui appartient la parcelle.

Etape 3 : retrouver la référence de la fiche nominative d’un propriétaire
Vous connaissez le nom du propriétaire ainsi que le nom et la lettre de la section sur laquelle figure la parcelle qui vous intéresse : il vous reste à retrouver le numéro de folio ou de case de la matrice cadastrale auquel est associé son nom dans les différentes tables alphabétiques.
Ce numéro de case ou de folio est équivalent à un numéro de compte correspondant à un propriétaire. Relevez ce numéro folio dans la table alphabétique.

Etape 4 : retrouver le relevé de propriété d’une personne
Muni du numéro folio du propriétaire, vous chercherez son folio dans les matrices cadastrales. Vous y retrouverez l’ensemble de ses possessions immobilières (maisons, terres cultivées, terrains …).

Etape 5 : comment lire un relevé de propriété ?
La lecture du folio d’un propriétaire vous permettra de connaître l’ensemble de son patrimoine mais aussi de suivre les différents propriétaires d’un bien bâti ou non bâti. Vous y trouverez :
– le nom, prénom, profession, adresse du propriétaire
– le nom de la propriété, le lieu-dit, son numéro de parcelle, la lettre de section
– le type de propriété et la nature du sol (maison, pré, pâture, moulin, bois …)
– le revenu pour le calcul de l’impôt
– la surface pour les propriétés non bâties
– la date d’entrée ou de sortie dans le compte du propriétaire
– le numéro folio ou case de l’ancien et du nouveau propriétaire
Chaque ligne représente une parcelle et indique l’année de sortie (vente, succession, donation) ou d’entrée (achat, héritage …) et le compte où a été porté la parcelle (nouveau propriétaire) ou tirée (ancien propriétaire). En suivant le cheminement des « tiré de » et « porté à », il faudra se reporter au numéros folios indiqués pour suivre les différents propriétaires de la parcelle.

Des annotations peuvent donner des informations complémentaires comme C.N pour construction nouvelle, A.C. pour addition de construction, démolition, p pour « partie de » parcelle. En début de matrice, un feuillet peut être consacré aux augmentations et diminutions et indiquer la cause pour les parcelles concernées.

cadastre diminutions
Extrait des matrices cadastrales de Masparraute, Diminutions

Bon à savoir

La série P
Cette série est réservée aux finances de l’Etat, celles du département appartenant à la série N, celles des communes en série O.
1 P : Trésor public et comptabilité générale
2 P : Contributions directes
3 P : Cadastre
4 P : Contributions indirectes
5 P : Eaux et forêts
6 P : Douanes
7 P : Postes, télécommunications


Pour aller plus loin

Lavigne Stéphane, Le cadastre de la France, PUF, Paris 1996

Clergeot Pierre, 1807 – Un cadastre pour l’Empire. Cent millions de parcelles en France, Paris, éditions Publi-Topex, 2007.

Mergnac, Marie-Odile, Utiliser le cadastre en généalogie, Archives & culture, 2022

Décret n° 55-471 du 30 avril 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre