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Notre ami Claude Lesgourgues publie ici un nouveau pan de l’histoire de la vallée des Aldudes et plus largement de la vallée de Baïgorry. Nous le remercions pour nous faire partager ces passionnants moments d’érudition et d’histoire locale car ils nous permettent de mieux connaître la vie de nos ancêtres.

Petite histoire du village de Banka

Les divers noms

Commune de la vallée des Aldudes, d’abord appelée Ithurrigorry, du nom de la fontaine autour de laquelle s’était créée une agglomération de population, puis Fonderie, du nom de l’établissement industriel existant sur ce territoire, la commune prit le nom de Banca à la fin du XIX° siècle, à sa demande. Son territoire a été occupé par des hommes depuis la préhistoire. Les monuments qui jalonnent les chemins pastoraux en témoignent.

Pays Quint ou Aldudes

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Carte de Banca

Sous le royaume de Navarre, les espaces dans lesquels se situe la commune étaient désignés sous le nom de Aldudes ou Pays Quint. C’était une zone enclavée, entre les vallées de Baigorry et Cize en France ; Roncevaux, Burguete, Erro, Eugui et Baztan en Espagne. Zone montagneuse composée de forêts et de pâturages, était une ‘copropriété’ des Vallées de Baigorry et Erro. Ces deux vallées, constituées de hameaux, étaient deux Vicomtés, l’une appartenant à la famille Etchaux, l’autre à la famille Ezpeleta. Les copropriétaires s’entendaient pour n’accorder aux vallées espagnoles voisines et au monastère de Roncevaux que des droits particuliers et limités [1] . Ces territoires étaient vitaux pour les maisons des deux vallées. Les pâturages permettaient des estives pour les troupeaux de vaches, de porcs et plus tard de brebis ; les forêts produisaient du bois pour le chauffage, les charpentes, les avirons, etc. Cette abondance suscitait la convoitise des voisins. Des conflits apparurent dès 1270. Sorte de Far West, la vie pastorale n’était pas idyllique dans ces contrées. Les pasteurs ne pouvaient construire que des cabanes ou utiliser des abris naturels et se trouvaient isolés. Les prédateurs naturels, ours et loups faisaient des ravages dans les troupeaux. Plus tard, les conflits avec les Espagnols des vallées limitrophes, qui revendiquaient la jouissance de ces terres pour leur bétail, provoquaient la destruction des cabanes et parfois des morts d’homme. Tant que ce pays fut sous la couronne de Navarre, les conflits furent limités à des rixes entre pasteurs. La partition de la Navarre en 1515 les transforme en incidents entre deux Etats, ce qui aggrave la situation.

La cour générale

Le Pays Quint, dominé par les Vicomtes de Baigorry et leurs milices, était administré par un conseil de vallée appelé Cour Générale. La cour Générale se réunissait environ deux fois par mois près de l’église d’Anhaux. Cette réunion était appelée : le Berrogain. Elle était composée 1° de cinq représentants de la noblesse : d’Etchaux, d’Urdos, de Licerasse, de Larragoyen, d’Apesteguy ; 2° de jurats à raison d’un jurat par hameau, élu pour une année, généralement issu d’une maison importante ; 3° de députés, un ou deux par hameau, élus au coup par coup en tant qu’observateurs et comme intervenants sur un problème particulier. Les maîtres de chaque maison pouvaient aussi y assister ; ils s’y rendaient parfois en grand nombre. La Cour Générale avait élaboré des règlements et administrait ce territoire, qui n’était que temporairement habité. Tout y était cadré : les époques d’introduction des bestiaux, les coupes de bois, les écobuages, etc.

La colonisation aux XVIIe et XVIIIe siècles

Depuis des temps immémoriaux, les maisons envoyaient leurs troupeaux en estive dans les montagnes de cette vallée des Aldudes. Les règlements de la Cour Générale interdisaient à ces bergers, souvent des cadets de familles, de clôturer des parcelles sans autorisation et, à plus forte raison, d’édifier des constructions permanentes. Pour chaque demande, la Cour Générale dépêchait deux jurats pour piqueter un espace de trois arpents de terrain. Sous l’effet du climat, de l’éloignement de la maison mère et de l’explosion démographique, les demandes de création d’enclos se firent de plus en plus nombreuses, d’abord autour des agglomérations puis de, plus en plus loin, vers le Sud, autour des bergeries. Des clôtures illégales, faites dans des zones discrètes mais toujours repérées, virent le jour et se multiplièrent. Cette situation amena d’importants conflits entre, d’une part, les cadets qui voulaient s’installer et, d’autre part, les propriétaires de la vallée qui voyaient d’un mauvais œil l’aliénation des terres communes. Ces derniers freinaient au maximum cette colonisation, par l’intermédiaire de la Cour Générale. Le XVIIe siècle voit donc ces nouveaux habitants construire des bordes et y vivre à demeure, clôturer les meilleures parcelles, les cultiver, les agrandir en défrichant. Les bordes, d’abord dépendantes des maisons des villages, s’émancipent, aboutissant à la colonisation de nouveaux espaces. Les paroisses durent aussi s’adapter. Au début, les colons gardent leurs liens personnels avec l’église d’origine, celle de leurs maisons natales, de sorte qu’on trouve au même endroit des foyers rattachés à des paroisses différentes. On assistera plus tard à l’instauration de communes géographiquement délimitées, auxquelles vont correspondre de nouvelles paroisses.

Création de la commune.

Dès avril 1790 sont créées dans ce Pays Quint deux nouvelles communes : Fonderie et Aldudes ; et au milieu du XIXe siècle, Urepel. Dans ces communes seront élues des municipalités. En ce qui concerne Fonderie (aujourd’hui Banca) : la validation du registre paroissial des décès du 14 avril 1791 par le juge de paix du canton, la désigne sous le nom d’Iturrigorry.

Guerre de la révolution

La commune de Fonderie naît au moment d’une guerre avec l’Espagne, qui réagit au sort fait à Louis XVI roi des français. Dès 1791 la frontière était une zone de tensions. Des troupes disparates (Chasseurs Cantabres, Chasseurs Basques, volontaires nationaux) cantonnées dans la province de Basse Navarre, vivaient sur le dos des populations : bois de chauffage, rations de viande, totalité du froment, entretien des routes militaires, réquisition des bouviers. Tous les corps de métiers, forgerons, cordonniers, etc., étaient mobilisés. Les récits de cette guerre fourmillent d’exploits guerriers et honorent des grands capitaines, tandis que la vie de la population civile fut un cauchemar : pillages, destructions, assassinats, famine et épidémies faisaient le quotidien de l’époque. Les 26 avril 1794, une attaque fut dirigée sur Saint Etienne de Baigorry par Saint Simon, cette attaque n’avait qu’un objectif ; en représailles à l’incendie de fermes par les Français à Valcarlos, mettre le feu à toutes celles qui occupaient ces lieux ; Il y en eu quatre cents de brulées. En deux ans, rien ne fut épargné aux populations de ce qui allait devenir la commune de Fonderie. Sans parler du nombre de morts, la vallée fut totalement détruite. Comme l’écrit Jean Etcheverry-Ainchart [2] : « ce qui échappa à l’invasion et aux réquisitions fut maraudé par les troupes qui stationnées dans les villages ; les bois furent coupé sans ménagement et la forge et la fonderie mises hors d’état de servir« .

Guerre du premier empire

Vingt ans après cette première guerre contre l’Espagne, la vallée va subir une deuxième épreuve, tout aussi terrible. Après la défaite de Vitoria le 21 juin 1813, les armées de Napoléon durent refluer vers la frontière et vivre aux dépends du pays. Les maires furent obligés de réquisitionner des subsistances pour les troupes : viandes, vin, pain, bougies, etc. Entre le 28 et 30 juillet 1813, une armée de 60000 hommes fut formée et se mit en route pour aller délivrer Pampelune. Elle fut défaite à Sérauren. Son repli constitua un désastre pour nos populations. Les soldats ne comprenant pas la langue du pays, ne sachant quel chemin emprunter, la plupart en haillons et sans chaussures, n’ayant pas dormi depuis au moins 6 jours, mourant de faim et de soif, car, après les pluies torrentielles de l’année, une chaleur écrasante s’était installée au retour , les troupes ravagèrent le pays, dans une fièvre de vandalisme proche de la folie collective. L’arrivée de ces fuyards poursuivis par les armées ennemies, provoqua une véritable panique dans la région. Le général FOY récupéra 8000 trainards dans la première quinzaine d’août.

La municipalité communale

La municipalité débuta son activité vers 1811. Avant cela, les communes de moins de 5000 habitants élisaient un agent municipal et un adjoint. Celui de Fonderie, Jean de Sintas, mit en place l’état civil. Le premier maire fut Joseph Espil, meunier, maître d’Eyheraçaina. Le XIXe siècle va être dur pour les municipalités, toujours pauvres en ressources. Leurs actions se développent dans quatre directions : l’école comme lieu de promotion, l’église comme lieu de rassemblement, les chemins pour l’économie, puis, au début du XXe siècle, la santé. Pour financer ces programmes elles n’avaient que deux appuis : les maisons les plus forts imposées pour la trésorerie, les autres pour leurs contributions en nature.

Les écoles

Il existait deux écoles publiques à Banca, l’une dans le bourg qui existe toujours, l’autre dans le hameau d’Onçoroné qui disparut en 1973.

L’église et la paroisse

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L’église de Banca

Saint Pierre est le patron de l’église de Banca. On dit que l’abbé Barnetche, curé de Saint Etienne en Baigorry, accorda l’autorisation de la construire en croyant que cela serait impossible car, située à flanc de montagne et sur un terrain rocheux. Mais les ouvriers de la forge, avec leurs outils et des explosifs, réussirent l’exploit d’aplanir ce lieu [3] . Le dit Barnetche fut curé de Baigorry de 1856 à 1886. Cependant un lieu de culte existait bien avant. La trace d’un projet de chapelle dans cette zone se trouve dans les registres des délibérations de la Cour Générale de la Vallée de Baigorry, dans le compte rendu de la réunion du 14 mars 1694.

Mines et établissements industriels

A côté de l’élevage, activité principale du pays, encore de nos jours, l’extraction minière et la transformation des métaux ont occupé une place importante dans la vallée des Aldudes. L’exploitation de ces mines remonterait à l’époque de la présence romaine pour le plomb, l’argent et le fer ; mais c’est au XVIII° siècle qu’un entrepreneur venu de Suisse, Laurent Beugniére de la Tour, entreprendra une vaste prospection. En 1747 s’achève la construction d’une grande fonderie de cuivre. Vers 1756, apogée de l’établissement, 130 tonnes de métal furent produites. L’usine employait environ 400 personnes à un moment donné. Puis un déclin va s’amorcer, jusqu’à la destruction de l’usine lors des guerres de la Convention en 1793. Trente années plus tard, à partir de 1825, Jean-Baptiste Ricqbour construisit une nouvelle usine à haut-fourneau sur les ruines de la fonderie. Entre 1865 et 1893, la banque stéphanoise Girard, Nicolas et Compagnie entreprit aussi de nouveaux travaux miniers. L’effectif était réduit à une trentaine de personnes. Il semble que les habitants de La fonderie ne tirèrent pas beaucoup de profits de cette activité industrielle. En effet, l’entreprise employait beaucoup de main d’œuvre étrangère. La main d’œuvre locale était surtout concernée par les transports, soit de bois, soit de minerai. Les muletiers étaient sous-payés de 30% par rapport aux tarifs pratiqués ailleurs. De plus, tandis que pour les habitants les coupes de bois de chauffage étaient contingentées, l’établissement industriel provoqua une forte déforestation.


[1] Voir J.Etcheverry-Aintchart : Baigorry au XVIIIe siècle

[2] J.Etcheverry-Ainchart : La vallée de Baigorry sous la révolution Bulletin de la société sciences lettres et arts oct 1954

[3] Mayi Castaing-Bereterbide, revue Ikuska N° 3 année 1993