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Pendant l’Ancien régime, les notaires rédigeaient de nombreux actes notariés. Au Pays Basque, rares étaient les couples qui ne faisaient pas écrire les conditions de leur mariage car ce moment important marquait aussi la façon dont allait se transmettre le domaine familial à l’héritier ou à l’héritière qui se chargeait ainsi d’en assurer la bonne gestion avant de le transmettre à son tour.

Lire les contrats de mariage

Quand vous avez trouvé un acte notarié intéressant, notez bien :

  • le nom du notaire ;
  • la date ;
  • le dépôt d’archives où vous l’avez trouvé (Exemple : AD64) ;
  • la cote de la liasse (Exemple : III E 365).

Grille de lecture des contrats de mariage

Voici, dans l’ordre les différentes parties d’un contrat de mariage avec des détails, explications et exemple pour chacune d’elle.
Bien comprendre ce type de contrat est important pour progresser dans l’histoire de ses ancêtres au Pays Basque car ils révèlent les particularités de notre région.

Date

  • L’acte commence toujours par l’énoncé de la date.
  • Exemple : L’an mil sept cens (cent) soixante huit, le trente (et) unième du mois de may (mai)

Lieu

  • La ville ou le village d’abord, le détail du lieu ensuite.
  • A retenir : le notaire n’instrumentait pas seulement dans son étude mais se déplaçait dans les maisons, sur les marchés, allait à la rencontre des gens.
  • On trouvera donc les emplacements les plus variés : en la maison untel, en mon étude, à la foire de telle ville, au bout du pont, sous un chêne, dans le jardin de la maison untel.
  • Exemple : en la vicomté de Méharin et maison d’Elissalde

Notaire & témoins

En général un seul notaire s’occupe de l’acte.
Exemple : par devant moy (moi) notaire royal soussigné (son nom se trouvera à la fin de l’acte avec sa signature) presens (présents) les témoins bas nommés (nommés à la fin de l’acte).

Contractants

  • Le père, la mère, un frère aîné ou toute personne responsable du futur et de la future peuvent contracter pour lui ou elle.
  • Dans le cas d’une majorité, le futur ou la future peut contracter pour lui ou elle même.
  • L’ordre importe peu, on peut aussi bien commencer par la future épouse ou par le futur époux.
  • Les futurs ne sont pas forcément présents au moment de la rédaction de l’acte.

Assistants

Le contrat de mariage est important dans la Coutume du Pays Basque. Il faut donc le faire savoir et le cautionner par la présence de nombreux assistants : membres, amis et voisins des deux familles.
L’intérêt de cette partie de l’acte est majeur pour nous généalogistes, puisque c’est là que vont être énumérées toutes les personnes présentes et leur lien avec les futurs époux.
Attention, le lien s’établit parfois par rapport au contractant.
Assistants de l’époux
Assistants de l’épouse
Assistants communs : ils peuvent être prestigieux et « toutes les parties honorées de la présence » du seigneur local, du curé, du chirurgien …

Mariage

Le contrat est en général rédigé avant le mariage.
Le mariage sera donc solennisé après, « quand une des parties requérera l’autre ». (Voir les exemples de formule ci-dessous).

Quand l’héritier devient maître

C’est un autre moment capital dans la vie de la famille. L’héritier, le premier né, fille ou garçon, va devenir maître du domaine familial. C’est là que s’installe la coseigneurie.
Exemple : en faveur et contemplation dud. mariage et enfants qui en seront procréés, led. (nom) à institué et institue pour son héritier, led. (nom et filiation : son fils aîné), tant de lad. maison (nom de la maison), comme aussi des biens et droits en dépendant généralement quelconque et sous le régime et administration sa vie durant

  • N’oublions pas la règle absolue : l’héritier ne reçoit pas les biens pour lui mais uniquement pour en assurer la bonne gestion, les faire prospérer si possible afin de les transmettre à son tour à son enfant premier né.
  • On transmet la maison et les biens (les terres, appentis, bordes qui en dépendent).
  • On transmet également les droits qui y sont attachés (la place et le siège dans l’église, la sépulture au cimetière)
  • La coseigneurie s’installait dès lors que l’héritier apportait la dot suffisante aux maîtres anciens (père et mère).

Réserves

Les parents de l’héritier pouvaient agir de deux manières :

  • ils abandonnaient tous leurs droits sur le domaine aux futurs époux ;
  • ils s’en réservaient l’entière administration, la majorie ou la seigneurie majeure ;


Dès le mariage, le jeune couple (les maîtres jeunes) allaient vivre avec les parents de l’héritier (les maîtres anciens) donc sous les même toit à même pot et feu : en cas de mésentente entre les deux couples, une clause spéciale était prévue dans le contrat de mariage, indiquant que les biens seraient partagés en cas de séparation ou que le jeune couple serait dédommagé à hauteur de telle somme.
Les droits légitimaires des frères et soeurs cadets de l’héritier étaient également fixés dans le contrat afin d’éviter toute discussion ultérieure.

Dot

La dot est indispensable pour que la coseigneurie s’installe et pour permettre à l’héritier de prendre possession de ses droits.
Exemple : en faveur aussi du même mariage et enfants qui en descendront, lesd. (noms des contractants dotaux) ont constitué et constituent la somme de (montant) de dot.

Paiement

Le paiement de la dot pouvait être intégral au moment de la rédaction de l’acte mais cela restait rare. Il y avait peu d’argent liquide en écus et autre monnoye (monnaie) courante.
Une clause stipulait alors les délais de paiement et les intérêts.

Emploi de la dot

La dot pouvait être employée à l’entretien et réparation de la maison ou au paiement des dettes.

Reversion de la dot

Si le mariage venait à se dissoudre sans qu’il y ait eu d’enfants, la dot devait être rendue à ceux qui l’avaient apportée.
Exemple : convenu et arrêté entre les parties contractantes que la susd. dot de (montant) sera réversible auxd. (noms) hoirs ou successeurs dans le cas de désavénement du susd. mariage sans enfants ou y’en ayant eu sans laisser postérité ainsi et comme il est porté par coutume au présent royaume

Joyaux

Pendant l’Ancien Régime, le mariage est le moment crucial de la vie des basques. C’est à ce moment là que l’héritier d’une maison qui épouse un(e) cadet(te) va devenir maître (jeune) de la maison et que la co-seigneurerie (la gestion commune du domaine) avec ses parents, maîtres (anciens) se met en place.
Le conjoint dotal, le cadet ou la cadette, qui va devenir maître adventice de la maison apporte la dot, les joyaux et les étrennes :
la dot : un apport en argent le plus souvent, soumise au retour ;
les joyaux ou joyes (en Soule) ou benalhayes (de l’occitan « benalha » biens) : don de noce, en nature le plus souvent, qui aide à l’installation du nouveau ménage dans la maison. Ils peuvent être constitués de bétails, de meubles, d’éléments de construction (tuiles ou bardeaux), de plants de cultures (scions de pommiers). Ils peuvent être soumis au retour.
Les étrennes : cadeau en argent ou vêtement offert à la maîtresse de la maison dans laquelle le conjoint dotal va entrer.

Cautions et garanties

Pour garantir la réversion éventuelle de la dot, on prenait hypothèque.
Exemple : et pour l’observation et entretement des presens led. parties contractantes chacune pour ce qui les concerne ont obligé et hypothequé leurs biens presens (présents) et avenir (à venir)

Témoins & signatures

La liste des témoins est énumérée, puis le notaire les invite à signer.
Exemple : fait et passé en présence de (nom, prénom des témoins, en Pays Basque souvent sous la forme « Prénom maître de Nom de la maison de Lieu ») lesquels ont signé aux présents et assistants qui l’ont su et non lesd. (noms de ceux qui ne signent pas) pour ne savoir écrire de ce requis et interpellés par nousd. nore (nom du notaire).

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Signatures de contrat de mariage, notaire Lambert, cote III E 2414, AD64

Formules consacrées

Les notaires emploient des phrases types qui sont parfois difficiles à déchiffrer, tant du point de vue de l’écriture, que du vocabulaire spécifique. Voici quelques exemples !

Exemples de formules

« par devant moy nore (notaire) royal et tesmoins (témoins) bas nommés, pactes & (et) accords de mariage ont este faits et arreste entre … »

« lequel mariage sera effectue entre led(ledit) …. et lad(ladite) …. par messe nuptiale a l’ordre de l’eglise, savoir les fiançailles à toute heure et les épousailles … »

« se marieront ensemble, en face de l’église lorsque l’une des parties sera requise par l’autre et par préalable observent les cérémonies prescrites par les Sts (saints) canon, à peine par la partie refusante ou dilayante de réparer touts dépens, dommage et intérêt »

« a peine de tous dépens, dommage et intérêt »

« cas advenant que led(ledit) mariage advienne sans enfants ou après en avoir eu ou en defaillance diceux pour l’assurance de laquelle restitution »

« c’est a quoi et a tout ce dessus lesd. contractants et assistants ont conclu arrete et demeurent d’accord et promis chacun ainsi quil leur et tenir, accomplir, payer et observer à peine de tout dépent, dommage et intérêt sous obligation et hypothèque de leurs personnes biens et causes tant meubles qu’immeubles (pñs) presents et a venir iceux soumis aux executions et rigueurs de justice renoncé à toute renonciation de droit et de fait à ce contraire et jure a dieu de n’y contrevenir directement ni indirectement etant a ce pour tesmoin »

« Et pour l’observation et entretement des presens lesd. parties contractantes chacune pour ce qui les concerne ont obligé et hipothéqué leurs biens présents et à venir iceux soumis aux éxecutions et rigueurs de justice renoncé aux renonciations de droit et de fait a ce contracté et juré à dieu deny (de n’y) contrevenir »

« Fait et passé en présence de (noms des personnes présentes) lesquels ont signé aux presents et assistants qui l’ont sceu (su) et non lesd. pour ne scavoir écrire de ce requis et interpellés par nous notes (notaires) »


Pour aller plus loin

Louradour Isabelle, Eppherre Marie. Retrouver ses ancêtres basques, Archives & Culture

La Revue Française de Généalogie

  • Hors-série : Le mariage, sentiments, devoirs, traditions, fêtes du XVIe au XIXe siècle
  • Hors-série : Bien explorer les archives des notaires

Philippe de Montjouvent, Dépouiller les archives de notaires, ed. Autrement, Paris : 2004

Maïté Lafourcade, Mariages en Labourd sous l’Ancien Régime, ed. Servicio editorial de la Universidad del Pais Vasco

Anne Zinc, L’héritier de la maison, EHESS, Paris : 1993

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