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Le registre des décès de la commune de Tardets de l’année 1812 contient deux actes qui nous frappent par leur similitude. Dans les deux cas, il s’agit de deux jeunes soldats de la commune, décédés bien loin de leur village natal qui à cette époque, comptait moins de 500 âmes.

Chronologiquement, le premier acte fait état du décès à Bastia le 26 septembre 1811 d’un dénommé Jean Pierre Sacristain, âgé de vingt-deux ans. L’économe de l’hôpital militaire de Bastia, un certain M. Durainty, relate ainsi les derniers jours du pauvre garçon, chasseur au Premier Régiment de la Méditerranée :

…….« Du registre des décès dudit hôpital a été extrait ce qui suit : le Sieur Sacristain Jean Pierre, chasseur à la quatrième compagnie du deuxième Bataillon du premier Régiment de la Méditerranée, âgé de vingt-deux ans, natif de Tardets canton de […], département des Basses Pyrénées, est entré audit hôpital le douze du mois d’août l’an mil huit cent onze et y est décédé le vingt-six du mois de septembre de l’an mil huit cent onze par suite de fièvre. »

L’extrait est ensuite certifié le 7 mars 1812, soit six mois après, par le Commissaire des Guerres à Bastia qui signe Quirot. On suppose que c’est à ce moment-là que la famille est informée du décès du garçon puisque le 6 avril 1812, son père, Jean Goyheneix-Sacristain, un cultivateur de 58 ans, fournit l’extrait mortuaire qu’il a reçu au maire de Tardets, Jean Pierre Darhanpé. Lequel le transcrit aussitôt sur le registre d’état civil, en « conformité à l’article 80 du Code Napoléon ».

Le Bataillon de la Méditerranée
Le décret du 8 juin 1808 organise en Corse un bataillon destiné à servir de dépôt aux conscrits réfractaires des départements italiens de l’Empire. Il est constitué de six compagnies de chasseurs et prend en août 1809 le nom de Bataillon de la Méditerranée. Le décret du 27 janvier 1810 transforme cette unité en régiment à cinq bataillons, toujours sans compagnies d’élite, qui prend le nom de Régiment de la Méditerranée. Son cinquième bataillon est affecté sur l’île d’Elbe. […]
Le régiment de la Méditerranée, au début de 1811, est fort nombreux, il avait des troupes en Corse, à l’île d’Elbe et à Corfou, et il prenait part à des expéditions maritimes. Tant et si bien que le 11 mars, l’Empereur décidait la formation en Corse (à Bastia) et à l’île d’Elbe d’un 2e régiment de la Méditerranée, d’infanterie de ligne cette fois – le précédent prenant le numéro un.

Sources : Blog de la Société des Etudes Historiques Révolutionnaires et Impériales. En savoir plus

Quelques mois plus tard, le 3 août 1812, le même Jean Pierre Dharanpé, maire de Tardets, reçoit cette fois de l’Hospice civil de Saint-André de Bordeaux un extrait mortuaire datant du 29 juillet 1811, rédigé comme suit :

…….« Le nommé Arnaud Horment, chasseur basque, compagnie n°8, âgé de vingt-trois ans, natif de Tardets, département des Basses-Pyrénées, fils de Paul Horment et de Grace … [1] entré audit hospice le dix-huit […] y est décédé le 1er nivôse an huit à minuit (22 décembre 1799) pour cause de […].

………Certifié par moi économe le présent extrait pour être conforme au registre des décès dudit hospice de Bordeaux le six novembre mil huit cent onze. Signé Pierreau ».

Hopital Saint Andre au 19e siecle retouche
Hôpital Saint André au XIXe siècle © CHU Bordeaux

Là encore, l’information a mis du temps à arriver jusqu’aux pauvres parents car leur fils est mort depuis plus de douze ans et, rédigé en novembre, l’extrait mortuaire n’est parvenu au maire qu’en août de l’année suivante !
Entre temps, il a été porté sur les registres de la Ville de Bordeaux ce que corrobore son maire en personne :

…….« Le Maire de la Ville de Bordeaux certifie que le nommé en l’autre part est inscrit au n°299 sur les registres de décès de l’Etat civil de la présente année, première division.

………Fait à l’Hôtel de Ville le onze novembre mil huit cent onze.

………Comte de l’Empire, membre de la Légion d’honneur. Signé Linch » (Il s’agit du Comte Jean-Baptiste Lynch, maire de Bordeaux de 1809 à 1815)

chasseur basque
in blogs.sudouest

Les chasseurs basques
Les unités de chasseurs basques françaises sont créées lors de la Révolution française pour défendre la frontière des Basses-Pyrénées […]
Les chasseurs basques se distinguent du 1er au 6 juin 1793 à la défense de Château Pignon, en avant de Saint-Jean-Pied-de-Port, à un contre huit. Ils remportent quelques succès par la suite, et leur ardeur au combat réussit à empêcher les Espagnols de progresser en profondeur. […]
En 1795, la paix est signée avec l’Espagne, et les chasseurs basques restent cantonnés sur la frontière. En septembre 1798, ils sont réduits à un bataillon. En 1800, ils sont déplacés sur Libourne, et un deuxième bataillon est reformé. Les deux bataillons font la campagne de 1800 dans l’armée de réserve de seconde ligne, dite armée des Grisons et sont ensuite dissous le 21 avril 1801 à Berne.

Sources : Wikipedia

Et voilà comment deux jeunes basques, l’un engagé probablement pendant le Directoire et mort pendant le Consulat, et l’autre au moment des Guerres Napoléoniennes, se retrouvent sur les mêmes pages du registre d’état civil de leur commune. Du même âge mais pas de la même génération, ils sont morts en soldats à douze ans d’écart …


Auteur :  Marie Eppherre-Provensal


[1] Il s’agit certainement d’Engrâce Agie. Elle apparaît comme épouse de Paul Horment le 10 juin 1812 lors du mariage à Tardets de sa fille Elisabeth Horment avec Dominique Carricart de Viodos.